L’IMPORTANCE DES COOPÉRATIVES

Rôle des coopératives dans le développement ? Comment les coopératives peuvent-elles contribuer à résoudre les problèmes sociaux et économiques d’une région ? Comment les coopératives peuvent contribuer à la construction d’une Haïti meilleure ? D’un Marigot où la population peut satisfaire ses besoins économiques et sociaux ?

Ce n’est un secret pour personne ! Partout dans le monde, en Amérique comme en Afrique, en Europe comme en Asie ou dans l’Océanie, les coopératives contribuent à résoudre les problèmes sociaux et économiques des hommes et des femmes. D’ailleurs la définition du concept coopérative atteste cette vérité. L’ACI, Alliance Coopérative Internationale, définit la coopérative comme « une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement. » Donc, la coopérative ne satisfait pas seulement les besoins sociaux et économiques mais aussi comme le dit la définition de l’ACI, les aspirations ou les désirs, même les besoins culturels peuvent être satisfaits par l’intermédiaire des coopératives. L’ONU, fort de cette réalité, par la Résolution A/64/136 du 18 décembre 2009 de l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé 2012 : « Année internationale des coopératives » Il s’agit pour les Nations Unies de rendre un « hommage à la contribution des Coopératives à la réduction de la pauvreté, la création d’emplois et l’intégration sociale ».

Le poids des coopératives dans le monde. Le poids des coopératives dans le monde est énorme. Le Canada compte plus de 2. 000 coopératives avec 150 000 employés et 9 000 000 de sociétaires. Les Etats Unis comptent 30 000 coopératives, deux millions employés et 350 millions de membres. L’Allemagne compte 9 000 coopératives, 2 millions d’employés et 22 272 000 sociétaires. 23 millions de Français sont membres de 9 000 coopératives qui engagent plus d’un million d’employés. Le mouvement est aussi florissant dans les pays du sud. Plus de 10% de la population de la Colombie est membre d’une coopérative, soit 4.8 millions de sociétaires. Les coopératives de Colombie engagent plus de 3.% de la population active. En Indonésie les coopératives desservent 80 millions de membres soit 27% de la population. Les coopératives d’Inde comptent près de 230 millions de sociétaires. En Iran, il y a plus de 130 000 sociétés coopératives. Elles donnent du travail à près de 1 500 000 et offrent des services à 23 000 000 de membres qui représentent 33 % de la population totale. Au total, il y a dans le monde près de 1 million de coopératives et près d’un milliard de sociétaires de coopératives.

Le mouvement coopératif en Haïti. Le mouvement coopératif haïtien est vieux de 75 ans.  La première coopérative du pays, la société coopérative agricole de Source Chaude, a pris naissance en 1937.  A la fin des années 40 et au début des années 50 on a assisté à la création des premières coopératives d’épargne et de crédit: Petite Epargne en 1946 à La Vallée, Saint-Anne à Camp Perrin en 1949, puis la Caisse Populaire des Cayes et la Caisse Populaire Sainte Anne de Port-au-Prince. Par la suite, des vagues successives d’émergence de Coopératives d’épargne et de crédit et de coopératives agricoles ont vu le jour à travers le pays. Il compte aujourd’hui  près de 200 coopératives dont une majorité de Caisses Populaires.  Après près de 50 ans d’existence les Caisses Populaires ont connu un développement intéressant à partir de la fin des années 90. Le réseau Le Levier représente une quarantaine de caisses populaires dans les 10 départements du pays, plus de 650 employés et 600 dirigeants bénévoles dont 20% femmes, près de 750000 sociétaires (membres de caisses) , un actif de près de 9,3 milliards de Gourdes, des épargnes de plus de 6,5 milliards de Gourdes et  un portefeuille de crédit de 5,5  milliard de Gourdes au Juin 2018.

Les coopératives : une vision et des valeurs

La vision est l’ensemble de principes directeurs d’une organisation, d’une entreprise. Son testament ou son crédo. Ce à quoi elle croit. Ce à quoi elle tient. Ce pourquoi elle existe.

La vision d’une coopérative est la satisfaction des besoins des membres mais aussi, l’assurance d’un meilleur avenir pour les générations futures, l’amélioration des conditions sociales et économiques des ouvriers et du peuple, le développement durable des communautés.

Les valeurs fondamentales des coopératives c’est-à-dire ce qui est important et qui compte vraiment, sont :

·        La prise en charge et la responsabilité personnelles et mutuelles,

·        La démocratie et l’égalité (un membre, un vote),

·        L’équité et la solidarité (un pour tous, tous pour un),

·        L’éthique fondée sur l’honnêteté, la transparence, la responsabilité sociale et l’altruisme.

·        Le culte du souci du bien-être des sociétaires.

·        La fidélité à l’engagement envers les sociétaires ou le devoir de servir les sociétaires

·        La conception hautement sociale et morale du commerce

La lutte contre l’exploitation des entreprises capitalistesles coopératives : des entreprises nées pour combattre la pauvreté et créer de la richesse. L’expérience des coopératives de consommations de l’Angleterre. La première coopérative moderne, formelle et bien structurée a pris naissance à Rochdale en Angleterre en 1844. Elle s’appela « Les équitables pionniers de Rochdale ». Elle est l’œuvre d’ouvriers tisserands dont les maigres salaires ne permettaient pas de subvenir à leurs besoins. Ils vivaient dans la pauvreté. Ils se réunirent un samedi et se demandèrent « quels sont les moyens les plus efficaces pour améliorer la situation du peuple. (Camille Lamothe 1958) » Ils finirent par créer la Société des équitables pionniers de Rochdale, enregistrée le 24 Octobre 1844, avec un capital initial « ne dépassant pas soixante-quinze dollars ».

La société a pour but « l’amélioration de la condition financière, sociale et familiale de ses membres au moyen d’un capital divisé en parts d’une livre, afin d’ouvrir un magasin pour la vente de denrées alimentaires, de vêtements, etc. ; de construire ou acheter un certain nombre de maisons destinées à ceux des membres qui désirent s’aider mutuellement à améliorer leurs conditions familiales et sociales, etc.  Les équitables pionniers fondèrent en 1860, la société de prévoyance en cas de maladie et de secours pour les funérailles (Camille Lamothe, 1958)»

L’expérience des Caisses populaires Desjardins. A la fin du XIXe siècle, la majeure partie de la population québécoise vivait en milieu rural et de l’agriculture. Les agriculteurs étaient frappés par une série de mauvaises récoltes et ont accumulé de lourdes dettes. Le Québec a connu un exode rural au profit des villes. Dans ce contexte de pauvreté Alphonse Desjardins a élaboré un projet de coopérative d’épargne et de crédit, qui permettra aux ouvriers et agriculteurs de devenir leurs propres banquiers. Avec quelques concitoyens, il élabore les statuts de la future caisse populaire qui est créée le 6 décembre 1900 et  a ouvert ses portes le 23 janvier dans le but de i) généraliser l’épargne pour parer aux effets du chômage, de la maladie et autres imprévus de la vie ; ii) constituer un système de crédit populaire, accessible aux ouvriers, aux cultivateurs et à toute personne honnête et travailleuse ; iii) favoriser la consolidation des entreprises familiales et artisanales ; iv) enrayer les prêts usuraires ; etc.

L’expérience haïtienne. En Haïti, la première caisse populaire a pris naissance en 1946 à La Vallée de Jacmel. En 1944, une douzaine de professeurs de la Vallée se sont réunis et réfléchissent sur la situation socio-économique de leur communauté. Ils constatent que certains terrains ou plantation de la Vallée sont la propriété des gens de Jacmel, de Bainet ou de Port-au-Prince. En effet pour faire face aux dépenses imprévues et parfois élevées occasionnées par les cas de maladie, d’accidents et de décès, les Lavalléens empruntèrent de l’argent de gens aisés de La Vallée et d’ailleurs. Ils paient régulièrement les intérêts et après quelques années le prêteur réclama le capital. Le débiteur pour payer le capital lui concède un terrain. Le problème est le besoin d’argent constatent les professeurs. Ils décidèrent de créer une association dans le but de réunir leur argent pour emprunter aux membres de la population qui en ont besoin pour des cas de maladie, d’accident et de décès.

Peu de temps après l’expérience de La Vallée, on a assisté à la création de quelques caisses à Camp Perrin, aux Cayes et à Port-au-Prince.  En 1943, le département du Sud avait assisté à l’arrivée des  missionnaires Oblats de Marie immaculée avec Mgr Jean Collignon comme Evêque des Cayes.  Ils s’étaient rendu compte de la situation misérable  de la population, démunie après l’exécution du désastreux contrat d’exploitation avec la SHADA (Société Haitiano-Américaine de Développement Agricole) (Pierre Percy, 2012). S’inspirant du bien-être procuré aux familles canadiennes de modestes revenus par la méthode Desjardins d’entraide sociale, les missionnaires Oblats avaient  décidé de contribuer à la création de coopératives. Le  vicaire de la paroisse de Camp Perrin,  le Révérend Père Henri Langlais, a jeté  les bases de la création de la Caisse de Camp Perrin dans le but d’améliorer le sort de la population.

Les coopératives dans tous les domaines de l’activité économique

D’après les Nations Unies « Grâce au parapluie du Conseil mondial des coopératives d’épargne et de crédit, 49 000 associations offrent des services à 177 millions de personnes dans 96 pays différents alors que 149 millions d’usagers profitent des services des 4 200 banques opérant sous le chapeau du Groupement Européen des Banques Coopératives (GEBC).

En Norvège, en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis, les coopératives assurent entre 80 et 99% de la production laitière. Elles représentent 40% de la production d’agricole au Brésil et 71% des produits de la pêche en République de Corée. Au Bangladesh, elles assurent l’électricité à 28 millions de personnes, tandis qu’aux États-Unis, plus de la moitié des lignes de courant sont contrôlées par 900 coopératives qui servent 37 millions de personnes. »

En Haïti, seules les coopératives d’épargne et de crédit ont pignon sur rue. Dans le réseau Le Levier, elles  sont plus d’une trentaine et desserve près de cinq cent mille sociétaires. Elles donnent du travail à des milliers d’employés et gèrent plus de quatre  milliards de gourdes de crédit. Elles sont les premières à faire du crédit agricole formel, les premières et presque les seules à permettre à des petits fonctionnaires d’avoir un terrain puis une maison.

Le cas de la Caisse Populaire Ressource Confiance de Marigot (CPRCM):

 La  CPRCM a pris naissance le 1er Septembre 1984 dans le but d’améliorer le sort de la population. 34 ans après, au 31  Août   2018,  l’actif consolidé pour ses trois points de service ( Marigot, Pérédo et Bainet )  s’élève à 316,679,612 gourdes. L’avoir de la Caisse est de 98,958,528 gourdes. Son portefeuille de crédit s’élève à 221,784,120 gourdes  au profit  de plus de 2000 sociétaires . Elle compte aujourd’hui plus de 18000 membres et  a un taux de capitalisation de 31,25%.  Pour une commune comme Marigot, il s’agit d’un exploit.

Par contre, la CPRCM investit de l’argent dans des activités sportives, sociales, religieuses et dans des  activités de développement. Outre  les financements accordés à des activités socioculturelles, la Caisse a drainé et canalisé la ravine sèche de ti feuille qui  représentait une véritable menace  pour la population Marigotienne en période pluvieuse. Elle a financé des études universitaires en partie ou totales pour des étudiants en agronomie et en gestion. Il s’agit de  l’avantage coopératif ou de la distinction coopérative des Caisses Populaires. Il s’agit aussi d’une mise en application du 7ème principe coopératif : l’engagement envers la communauté  qui exige aux coopératives de contribuer au développement durable de leur communauté. Donc, la CPRCM  est la plus grande réalisation des Marigotiens.